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Inondations

On ne se rend plus très compte de ce qu’était le Rhône avant les grands travaux de barrages des années cinquante et soixante. C’était un fleuve terrible, dont les crues brutales et périodiques dévastaient tous les dix à quinze ans les villes riveraines à commencer par Avignon et Arles. Les annales d’Avignon gardent encore le souvenir de ces années noires : 21 août 1616 ; 4 novembre 1647 ; 29 novembre 1651 ; 14 décembre 1657 ; celle de 1669 qui emporta une partie du pont Saint-Bénézet qui devint ainsi le fameux pont d’Avignon où l’on danse dans la chanson ; 15 novembre 1674 ; 6 octobre 1685 ; 24 novembre 1694 ; 3 janvier 1706 ; 6 novembre 1745 ; 28 septembre 1747 ; 12 novembre 1754 ; Celle du 29 novembre resta mémorable : « L’épouvante, les cris et la terreur se répandirent bientôt dans toute la ville. Il n’y eut que le Palais et environ deux cent cinquante maisons qui l’entouroient, exempts de l’inondation. Les greniers à sel qui se trouvoient remplis furent submergés et le sel perdu. L’eau a séjourné quatre jours dans la ville et à une lieue à la ronde. » Novembre 1760 ; 1776, et 1777 ;
Celle du 27 octobre 1840 marqua profondément les mémoires : « On ne connaît pas d’exemple d’une inondation aussi longue, et par là même aussi désastreuse. Nos remparts, que tant de gens voulaient abattre comme de vieilles ruines gothiques, comme un obstacle à l’embellissement de nos boulevards, ont préservé la plupart de nos maisons d’une ruine totale, en opposant une digue à l’impétuosité du fleuve ; ils ont été le chemin de salut pour tous ceux qui habitaient dans leur voisinage, et sont restés presque le seul moyen de communication avec les contrées environnantes. Sans les remparts, il eût été impossible d’arriver au Pont de bois, et de recevoir les vivres qui nous venaient en bateaux. Les portes de la ville dégorgeaient une masse d’eau qui se précipitait par ces ouvertures avec un fracas épouvantable. Le Rhône entrait par cinq portes, celles de l’Oulle, du Rhône, de la Ligne, de Saint-Lazare et de Limbert, et formait un grand nombre de courants dans les rues ; il en sortait par trois, Saint-Michel, Saint-Roch et la nouvelle Porte. Si les remparts n’avaient pas dévié la presque totalité de ces eaux, combien de maisons auraient pu résister à leur impétuosité ? »

Et la litanie continue : celle du 31 mai 1856 fut si catastrophique, qu’Avignon et Arles reçurent la visite de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie. Nous en resterons là, mais malgré les travaux, les eaux submergent encore certaines parties d’Avignon notamment sur les berges gagnées, sur le fleuve qui revient périodiquement marquer son territoire. Le souvenir, lui, se lit sur les murs de la ville : vous trouvez à de très nombreux endroits, les marques et les dates qui immortalisent le niveau atteint par les crues les plus remarquables. Ces marques, vous les trouvez à Avignon, mais aussi sur l’Île de la Barthelasse ou à Villeneuve-les-Avignon. L’article « Marques de niveaux » dans cette rubrique vous en montrera quelques exemples.

François-Marie Legœuil