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Sérignan : les tatouages du salut

Aujourd’hui on se tatoue pour marquer son appartenance à une marginalité de masse. Jadis nos ancêtres choisissaient les carrefours pour tatouer leur terre de croix, de calvaires et d’oratoires, qui par milliers encore aujourd’hui, proclament notre immersion millénaire dans une Histoire catholique. Le carrefour, emplacement idéal pour dresser une croix : c’est là que l’on s’arrête pour trouver sa route, où on hésite… où le Tentateur à l’affût vous souffle le chemin de la facilité. À la sortie de Sérignan, au carrefour de la D25 et de la route d’Uchaux, vous ne pouvez rater ce perron de cinq marches, cet élégant socle carré, cette haute croix brune dont les bras supportent un drap joliment plié, d’un blanc éblouissant. Raccourci saisissant qui proclame le mystère central de notre foi : la croix de la mort sacrificielle, le linceul vide de la résurrection. L’inscription demi effacée sur le socle confirme : « Signum salutis » - le signe du salut. Un petit disque émaillé précise les circonstances de la construction : « HOC PIETATIS MONUMENTUM EREXERE RPP VALGAL & GLORIOT MISSIONARII S.J. ANNO MISSIONIS 1842 ». Mon latin est loin, je peine à traduire : Les Révérends Pères Valgal et Gloriot, Missionnaires jésuites ont érigé ce monument de piété dans l’année de la mission 1842. Le XIXe siècle – grande époque des missions prêchées dans les campagnes au sortir de la Révolution - a vu la foi de nos ancêtres dresser ces croix par milliers, indestructibles témoins de ces intenses moments de ferveur. Amis, à chacun de ces carrefours ayez une pensée ou une prière pour saluer la piété naïvement démonstrative de nos ancêtres et la générosité de leurs dons qui ont égrené dans nos paysages pour interpeller nos tièdes générations, la longue litanie de leurs témoignages d’espérance. Et d’une manière plus générale, amis du patrimoine, veillons à la conservation et à la mise en valeur de ces modestes constructions qui font de nos campagnes françaises un livre de géographie si merveilleusement illustré.

François-Marie Legœuil, novembre 2017

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