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Lagarde-Paréol : saint Martin chez les vignerons

Au centre du village de Lagarde-Paréol, depuis le parking, suivre le « Chemin de la Victoire  » bordé de ruines et d’herbes folles, abrupt et rocailleux comme une montée au Golgotha. Un vénérable marronnier rafraîchit une charmante placette, un crucifix revêtu de pampres et de grappes de tôle peinte témoigne des Missions d’évangélisation du XIXe en pays de vignobles ; le soleil couchant dore une reposante vue sur des ondulations boisées bleutées. Deux colonnes ioniennes et un fronton Grand siècle, touches d’élégance et de grâce sur l’assise solide, trapue, campagnarde de bon aloi, de cette petite église, presque une chapelle, d’une paroisse de solides gaillards en sabots, nos ancêtres du XIIe siècle.

Nef unique minuscule, voûte romane, enduit simulant la pierre de taille conformément à la tradition, arcatures soulignées d’élégants rinceaux terre de Sienne passée et bleu délavé. Dès l’entrée, une plaque de marbre blanc portant couronne de marquis, blason à la cigogne, et devise : Semper vigilans, m’apprend qu’un Henri de Favier en fut le bienfaiteur sous la Restauration. La modestie n’était pas sa marque : la petite chaire de marbre blanc posée à-même le sol porte son blason et sa devise ainsi que les fonts baptismaux du même marbre. La modeste statuaire sulpicienne témoigne des dévotions alors à la mode : Sacré-Cœur, saint Joseph et son lys, saint Antoine de Padoue à l’enfant. Un beau tableau du XVIIe : la Vierge à l’enfant donne le rosaire à saint Dominique, l’enfant le remet à sainte Catherine de Sienne ; le tout entouré d’une prédelle de médaillons aux quinze mystères. Aux pieds de Dominique, le «  chien du Seigneur » porte dans sa gueule le flambeau brûlant de Vérité du défenseur de la foi. Qu’importe si le chef de Dominique est trop petit et sa main trop grande, et l’inverse pour Catherine… Juste en bas, trois têtes d’homme et une de femme émergent d’un ardent brasier. C’est le Purgatoire, on dirait l’enfer : la perpétuité doit faire la différence. Juste une de ces quelques 30.000 églises paroissiales qui donnent ce ton unique si familier, si protecteur, si somptueux, aux bourgs de nos campagnes françaises. La cloche tinte, le père Apollinaire sort de sa sacristie, on se lève, la messe du soir commence.

François-Marie Legœuil, octobre 2017

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