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Les Anges et le vent

Ayant achevé de régler la course des planètes dans le ciel, Dieu se reposa sur un nuage qui passait fort opportunément par là. Il contemplait son œuvre et jugea que ces mouvements circulaires étaient par trop uniformes et ces mobiles d’une consternante unicité. Il fit grossir Pluton, dota Saturne d’anneaux, éloigna Mars de l’orbite terrestre et pour rompre la monotonie des itinéraires, choisit de dessiner des orbites ellipsoïdes du meilleur effet. Du doigt, il relança la machine et les évolutions nouvelles dessinèrent dans les cieux, mille trajectoires harmoniques.

Cela fait, il soupira d’aise et son souffle chassant les nuages voisins fit s’envoler une cohorte d’anges et d’angelots qui s‘éparpilla dans l’éther. Ceux qui étaient les plus proches de Dieu y laissèrent quelques plumes, les plus éloignés ne ressentirent qu’une brise légère : Dieu venait d’inventer le vent ! Par jeu, il modula son souffle et découvrit que si certains planaient très vite, d’autres, plus pesants, étaient à peine ébranlés ; c’était particulièrement le cas des anges préposés aux cuisines célestes qui, pour être de parfaits esprits, n’en étaient pas moins soumis aux tentations de la gourmandise. Dieu choisit alors de leur conférer l’immatérialité qui, comme chacun sait, est la vertu cardinale de ceux qui peuvent échapper à la pesanteur. Vertu fort utile, car poursuivant cette chimère, les hommes ont découvert depuis qu’ils pouvaient se soustraire à la pesanteur et voguer dans les airs.

Donc les anges qui étaient de purs esprits, je le répète, gagnèrent la faculté de voguer au gré du souffle divin et de pouvoir matérialiser par de subtiles arabesques, les états d’âme du créateur.

Pour ce qui concerne ce silence qui met un terme à des propos inappropriés ou à une gêne observée chez des convives et selon lequel il est d’usage de dire : « un ange passe  » il nous faut rétablir la vérité ce n’est point un séraphin qui vient de s’égarer dans le salon, mais l’expression polie d’une réprobation mesurée à l’aune des meilleures éducations mondaines.

Pour ceux qui voyant débarquer un individu casqué au guidon d’une motocyclette, rue du cirque, il serait tout à fait inconvenant de reprendre cette constatation, car ce serait revenir à la fameuse assertion : qui fait l’ange fait la bête, et ce serait proprement irrévérencieux pour cet archange majeur.

Le Potache