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La chapelle Saint-Michel-de-Anesca ? Descendez ce ravin à pic !

En quittant Monieux vers le sud, par la départementale, vous croiserez le GR9 et il ne vous restera plus qu’à descendre à travers les épineux... 140 mètres de garrigue quasi verticaux pour arriver au fond des Gorges de la Nesque :

Non sportifs, âmes sensibles, jeunes enfants, seniors rouillés, arthritiques et bancroches, prenez cet autre chemin : après le plan d’eau de Monieux, suivez la Nesque… qui vous y mènera aussi, plus facilement, mais sans le délicieux frisson de l’aventure.
Belle promenade, mais où va-t-on ?
Rendre visite à saint Michel qui nous attend depuis le XIIe siècle dans sa chapelle d’Anesca – de la Nesque, en français contemporain. Au fond de cette gorge très étroite, dépaysement garanti, les siècles n’y sont pas descendus, c’est vous qui avez remonté le temps. Levez les yeux vers les parois à pic. Trois longues et profondes fissures de la roche, que les préhistoriens appellent des abris sous roche, et qui furent occupés par nos lointains ancêtres néandertaliens qui venaient y mitonner leurs burgers de rhinocéros laineux :

Aujourd’hui, si vous êtes sportif, une échelle en bois vous permettra d’accéder au premier abri, et pour les plus audacieux, une corde – si du moins elle n’a pas été volée ou coupée depuis ma venue – vous permettra de grimper sur l’abri du haut par un puits d’accès impressionnant que les eaux ont jadis foré à travers la roche épaisse.

Sur l’abri du bas nous attend ce que nous sommes venus chercher : la chapelle de saint Michel. Saint Michel, l’archange des hauteurs et l’archange des profondeurs, celui qui, perché sur les nuées célestes, pèsera les sombres profondeurs de nos âmes sur les plateaux de sa balance au jour du jugement… en donnant, je l’espère le nécessaire petit coup de pouce qui fera pencher le bon plateau du bon côté. En passant, je lui demande en douce, mine de rien, de ne surtout pas oublier pour moi ce décisif petit coup de pouce...

Cette chapelle occupe toute la fissure de la falaise, fermée par un mur de grand appareil de pierres de taille, bien régulières et superbement ajustées… pas besoin de toit, juste une simple génoise pour dévier la pluie qui ruisselle ici depuis le haut de la Gorge 150 mètres au-dessus.

Sur la façade, une porte dont la clé de voute s’orne d’une croix de consécration et d’une date gravée : 27 d’août 1643… date d’une restauration par leur propriétaire, les moines de Montmajour :

Sur le côté, deux fenêtres grillées – sans doute plus récentes, surmontées d’une longue croix et de la trace encastrée d’un toit à double pente : restes d’une dépendance, d’une sacristie ou d’un logement dont témoigne à gauche, la ruine d’un mur en pierres plus grossières, percé d’une porte. Souvenir sans doute des ermites qui occupèrent les lieux au XVIIIe et même encore au XIXe siècle :

Entrons. Une courte nef, dotée d’une paroi en pierres de taille pour habiller la roche nue de la grotte… une simple et délicieuse petite abside… un autel, empilement récent de pierres grossièrement cimentées, témoigne du traditionnel pèlerinage du 29 septembre pour la fête de l’archange qui perdurera jusqu’en 1939… C’était jadis dans le monde agricole une date importante : la fin des moissons et souvent celle du ban des vendanges, la date aussi où les paysans payaient les fermages, où les baux se signaient :

Au-dessus de l’autel, une niche avec une statue du saint ayant perdu la tête et la lance dans le torrent des siècles, un chapelet passé autour de son bras, don d’un passant pratiquant et compatissant.
Au-dessus de la statue, une inscription en capitales noires : « QUIS UT DEUS » celui qui est comme Dieu… Ceci nous rappelle que le nom de Michel – Mi-Ka-El- signifie en hébreu « qui est comme Dieu » :

Michel fait partie d’un trio : Gabriel qui signifie en hébreu Puissance de Dieu ; c’est lui qui annonça à Marie qu’elle allait concevoir le Messie et qui prévint Zacharie que sa femme stérile allait enfanter Jean-Baptiste ; et enfin Raphaël qui signifie « Dieu Guérit » ; c’est lui que l’on retrouve dans l’histoire de la guérison de Tobie.

Tous les noms de ces archanges se terminent en « el » qui en Hébreux signifie Dieu. Si les catholiques et les juifs ne retiennent que ces trois-là, la Bible en mentionne sept dans le Livre d’Énoch, livre qui n’est retenu canoniquement que par les Éthiopiens, mais ni par les catholiques, ni par les juifs. En plus des trois ci-dessus, les Éthiopiens retiennent donc : Uriel, Raguel, Sariel et Jérémiel… tous ce terminant également en « el »...

Sur le mur de droite, des guirlandes florales d’un ocre éteint témoignent d’un décor roman :

on devine la silhouette de l’archange effacée par les ans… une date : 1785, nouvelle restauration, un siècle et demi après la précédente :

Vous avez descendu la gorge à pic, vous avez exploré les deux abris sous roche et passé à travers le puits d’angoisse, vous avez invoqué Michel dans son oratoire, il vous reste à remonter l’à-pic vertigineux ou alors, pourquoi pas ? suivre la berge gauche de la Nesque le long du GR9. Au départ, 7 pitons métalliques vous permettront d’escalader une paroi à pic pour vous mettre sur ce sentier.

Avant de partir pour cette nouvelle aventure, si vous êtes un provençal à l’âme un peu félibre, n’oubliez pas de réciter en provençal les vers de Mistral dédiés à ces gorges, qui ont été traduits en un français vernaculaire totalement inapte à la prosodie :

« « Cette Nesque s’engouffre
dans une gorge
 anfractueuse et sombre ;
et vient ensuite un point où le roc brusquement

et incroyablement se cabre ...

C’est du Rocher du Cire qu’il s’agit :

Ni chat, ni chèvre, ni satyre,

Je vous en réponds bien,
jamais n’y grimperont ! »

Et avant de reprendre votre promenade, en pensant à la multitude de générations d’ermites qui se sont succédées ici durant tant de siècles, vivant d’eau claire du ruisseau et de racines bouillies, reprenez leur invocation :

« « Nous nous réfugions avec confiance
à l’ombre de vos saintes ailes,
ô Michel, esprit céleste ! »

« François-Marie Legœuil

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